monogramme "petite fleur"

Lorsque je lis un bon livre, je suis prise par l'histoire, je veux connaître la suite, lire et lire encore jusqu'au bout. Et quand j'arrive à la fin, je regrette que ce soit déjà fini, que les personnages qui m'ont accompagnée pendant quelques jours soient à nouveau emprisonnés dans un objet refermé. Je suis comme une enfant à qui on raconte une histoire, je brûle de connaître la fin tout en voulant que ça ne s'arrête pas.

Broder un grand monogramme me fait le même effet : je brode et je brode, je vois l'image qui se précise au fur et à mesure du déplacement du tambour, je veux broder encore pour voir l'image en entier, et lorsque je la vois, immédiatement après le plaisir de cette vue, je ne peux pas m'empêcher de me dire : "oh, c'est déjà fini", avec le même sentiment de vide au creux de l'estomac que quand je referme le livre après être restée en arrêt et immobile après la lecture du dernier mot.

Pendant les jours de flottement qui ont suivi l'achèvement du monogramme, je me suis plongée dans mes vieilles revues de broderie, j'ai admiré ces lettres toutes différentes, ces décorations surannées, j'ai rêvé devant ces lettres enchâssées dans des médaillons, devant ces prénoms minuscules destinés aux mouchoirs, rejoignant la chaîne de femmes à qui appartenaient ces journaux et dont je ne sais rien , qui avaient, elles aussi, rêvé avant de passer à la réalisation de leurs rêves.

J'ai couvert mes papiers calques de lettres et de motifs, avant de me décider à reprendre l'aiguille. Je m'étais promis un petit projet cette fois. Je me suis arrêtée sur un alphabet paru en 1933, de 5 cm de haut, d'une forme différente de ce que je brode d'habitude. Dans ma boîte à fils, parmi les fils à broder ombrés, j'ai choisi du bleu, couleur de la sérénité et de l'infini, ma couleur préférée en fait. Voilà le résultat.